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Pour
détourner la surveillance de ses parents, je lui avais fait savoir, grâce à la
complicité de certaines de ses amies fidèles, la date de mon retour, en lui
donnant rendez-vous à notre endroit fétiche, sur le petit banc près de la
poste. Combien de fois les jours suivants j’ai eu envie de faire le mur,
déserter pour rejoindre ma belle, la prendre dans mes bras, la rassurer, la
consoler. Il me fallut déployer des trésors de patience et de volonté pour me
rendre à la raison.
Enfin
trois semaines et trois jours après notre séparation, vint enfin l’heure des
retrouvailles. J’arrivai le premier sur le lieu de notre rendez-vous, à
Rohrbach, nom de son village. Presque un mois que nous ne nous étions pas vus.
De loin je la vis arriver, emmitouflée dans un manteau de fourrure blanche,
avec son petit pull à col roulé. Oubliées les longues heures d’attente, oubliés
les jours sans vie elle était là enfin. Je la vis s’arrêter le temps de se
rendre compte que c’était bien moi, l’homme qu’elle voyait ombre mouvante se
découpant dans la grisaille. Elle se mit à courir vers moi et se jeta dans mes
bras. Nous nous serrions si fort, deux êtres éperdus, riant et pleurant à la
fois, le souffle coupé. J’ouvris son manteau de laine blanche pour mieux sentir
sa chaleur, respirer son odeur, sentir son cœur battre contre le mien. Les
larmes salées se mêlaient à nos baisers, nous n’en finissions plus de nous
étreindre. Je lui murmurai des mots tendres à l’oreille, lui disant combien je
l’aimais, que maintenant j’étais là, qu’il ne pouvait plus rien lui arriver,
que je voulais la garder près de moi et la protéger le restant de mes jours.
Nous
n’avions pas beaucoup de temps devant nous, elle était très surveillée. Elle me
dit qu’effectivement son test de
grossesse s’était révélé positif, qu’entre temps ses parents l’avaient appris
et avaient été très en colère la menaçant des pires représailles. Mais avant
mon retour, le destin s’était chargé de mettre un terme à l’objet de ces
disputes, car il y a quelques jours elle était tombée bizarrement dans les
escaliers, précédents son beau père, et blessée elle avait perdu le fruit de
nos amours.
A
l’écouter parler j’étais plein de colère, de haine, non pas contre elle, mais
envers tous ces adultes qui ne comprenaient rien. J’allais leur montrer moi ce
que c’était que d’aimer. J’étais bien jeune, bien innocent à l’époque.
Mais
Marie Luise ne voulait pas que j’intervienne, elle ne souhaitait pas une guerre
ouverte avec ses proches. Elle me supplia d’être patient, qu’un jour prochain
elle partirait avec moi et demanderait son émancipation.
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