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Longtemps j’ai cru qu’un homme ne devait pas se laisser aller à l’émotion, c’était en tout cas une des bases de mon éducation. Quelle monumentale erreur. Bien au contraire, les larmes permettent de ramener à un niveau conscient les émotions refoulées. En l’occurrence elles étaient pour moi le moyen de laisser échapper haine, colère et pour le coup douleur.

Chaque jour je reprenais ma plume et mon papier, un papier romantique que j’avais choisi pour elle fleuri et parfumé. Je le noircissais des mots qui me griffaient le cœur de ne pouvoir les lui dire.

Sa première lettre m’arriva au bout du huitième jour, le courrier ne suivant pas la voie normale il était acheminé par convoi militaire.

Sans froisser l’enveloppe, je l’ouvris délicatement malgré l’impatience qui me rongeait. De couleur rose pâle, avec une douce senteur de chèvrefeuille qui me rappelait son parfum, je commençais à lire les quelques lignes qu’elle avait dû écrire les yeux noyés de larmes car de part en part je voyais l’encre un peu délavée formant de petits ronds irréguliers. Sa lettre n’était que douleur. Elle me confiait que sa mère avait été mise au courant de notre escapade, et qu’à compter de ce jour non seulement sa maison m’était interdite, mais je ne devais plus la revoir, jamais !

Mais ma tendre et douce amie ne pouvait se rendre à cette décision et ne savait plus que faire. A toutes ses inquiétudes et ses soucis, venait maintenant s’ajouter la crainte d’être enceinte. Comment allaient réagir ses parents si ses doutes étaient fondés ? eux qui ne voulaient plus entendre parler de moi ??

Pendant que je lisais et relisais ces lignes tracées avec désespoir, j’entendais résonnant près de moi, un air qui passait à la radio. Il s’agissait de « Tornero » du groupe « I Santo California », un air déchirant qui me poursuivra longtemps. Mes yeux se faisaient fontaine en réalisant combien mon amour devait se sentir seule face à l’adversité rencontrée auprès des siens.

 Tout à nos jeux amoureux, nous n’avions pas pensé aux conséquences que cela pouvait avoir sur notre avenir et nous nous étions aimés sans prendre de précautions. Je balayais d’un coup l’idée que cela pourrait être un obstacle à notre amour ; déjà j’admettais l’idée d’une grossesse, je savais que rien ni personne ne pourrait m’empêcher de continuer à l’aimer

Je compris par la suite que les lettres enflammées que je lui avais adressées durant tout le temps que dura cette mission ne lui étaient jamais parvenues, et que celle que je tenais entre les mains et qu’aujourd’hui encore reste auprès de moi avait dû échapper à la vigilance de sa famille.

  

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