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Dans cette étreinte passionnée nous ne formions plus qu’un seul et même être, nous l’avions découvert, le vrai, l’unique, l’irremplaçable.

Deux jours durant nous sommes resté cloîtrés dans cette chambre, nous abreuvant du sang de nos coeurs et nous nourrissant à la source de nos corps. Nous avons quitté l’hôtel emplis l’un de l’autre, meurtris d’avoir trop embrassé, épuisés mais tellement heureux.

Plus rien ne viendrait jamais remplacé le souvenir de ce merveilleux week-end.

 Dès le lundi il me fallait quitter mon aimée. Je partais pour trois longues semaines loin d’elle, en manœuvre de l’autre côté de la frontière à Mourmelon, petite ville française, aujourd’hui vestige de l’enfer des tranchées de 14-18.

Contraint malgré tout de faire mon devoir c’est le cœur bien lourd que je laissais derrière moi la fée qui venait d’enchanter mon jardin d’Eden.

A l’époque où je vous parle, j’étais conducteur de blindé ; je pilotais un CharAmx30. Nous étions basés à Kaiserslautern. Nous avions à parcourir une distance d’environ quatre cents kilomètres pour arriver à notre « champ de manœuvres ». Ces déplacements étaient impressionnants, vingt-cinq chars, reliés par radio, en file indienne sur l’autoroute, armés jusqu’au dents d’obus et de mitrailleuses. Nous avions ordre de respecter une distance maximum entre deux chars pour éviter à un véhicule civil de s’intercaler dans le rang afin éviter tout accident en cas de ralentissement et d’arrêt soudain. Piloter un tel monstre demandait une vigilance constante et une dextérité qui ne venait qu’avec l’expérience de la conduite.

Je n’étais pas devenu pilote de char par pure vocation, je n’ai pas fait le choix d’être militaire, ce choix s’est imposé à moi, ou plutôt disons qu’il m’a été imposé cela sera plus juste comme on le verra un peu plus tard.

 Quittant le paradis je me retrouvais dans un endroit sordide, lugubre. Un monde de plaines immensément désertiques et boueuses car il pleuvait tout le temps.

De jour en jour la séparation devenait de plus en plus douloureuse, l’éloignement ne me permettait pas de rejoindre Marie Luise même lorsque je n’étais pas en manœuvres.

Pendant ces moments d’inaction je restais allongé des heures durant repassant dans ma tête les moments les plus intimes de ces deux derniers jours ensemble. Loin d’elle je n’existais plus. Les barreaux de nos lits me semblaient les barreaux d’une cellule, j’étais le prisonnier attendant sa libération.

La nuit revenue, la solitude me pesait davantage encore, le temps n’en finissait. Le sommeil me fuyait, je ne pouvais cesser de penser à celle que j’avais laissée derrière moi. Perché sur mon lit je laissais sans honte mes larmes couler.

  

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