Et
dire que je n’avais rien remarqué, que je n’avais pas relevé ce regard
amoureux, ébloui par l’homme que j’étais déjà comparativement à elle. Pour moi
quittant le rempart protecteur de sa chrysalide, Marie-Luise, portée par un
vent de folie amoureuse, ne demandait qu’à devenir un magnifique papillon. Jamais
je n’ai relevé en elle la morgue insolente de ses amies, elle n’avait pas ce côté
provocateur, volage que l’on retrouvait chez la plupart des filles que l’on
fréquentait, qui elles, semblaient faire fi de la pudeur que l’on est en droit
d’attendre chez des jeunes filles de leur âge. Le
temps s’écoulaient auprès d’elle sans que nous ne percevions l’un et l’autre
que l’heure de la séparation approchait. Je devais pourtant rentrer à la
caserne, et ce fut avec un tel déchirement qu’il me fallut me persuader que
j’allais la revoir très vite pour que je me résigne à la quitter enfin. Effectivement,
je l’a revis souvent dans les jours qui suivirent malgré mon travail et la
distance qui me séparait d’elle. Les soirées qui me retenaient de garde à la
caserne étaient pour moi un enfer ; les minutes me paraissaient des
heures ; j’attendais avec impatience que l’aube me libère de mes
obligations militaires. Au
cours de ses longues nuits solitaires, je songeais à mes sentiments pour
Marie-Luise ; au fur et à mesure que je sentais l’amour grandir en moi,
j’étais saisi d’angoisse, je craignais sans raison que la mort nous rattrape,
qu’elle vienne nous frapper au plein cœur de notre bonheur naissant. C’était
comme croquer dans une belle pomme, tendre et ferme, juteuse à souhait, si
savoureuse que l’on voudrait ne jamais en arriver au cœur de peur d’avoir à la
jeter. Plus
je voyais Marie-Luise et plus j’apprenais à l’aimer, explorant le théâtre de
ses pensées, l’amenant par ma sensibilité et ma patience à les exprimer. Elle
était sublime, merveilleuse, différente de jour en jour, s’épanouissant comme
la rose éclos et offre ses tendres pétales aux rayons du soleil renaissant au
petit matin. Née
un trente et un août, elle était comme moi du signe de la Vierge, peut-être
au-delà de l’amour qui nous unissait, Marie-Luise et moi étions-nous des âmes
sœurs ? Toujours
nous nous comprenions, toujours nous étions à l’écoute l’un de l’autre dans le
respect de chacun, aucun mot aucun geste déplacé, pas d’emportement, c’était
comme la surface d’un lac de montagne, pur et sans vague. Nous avions les mêmes
goûts, étions guidés par les mêmes passions. C’était l’accord parfait.
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