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Chapitre I

 

C’était le plein hiver, au mois de Février, le 16 exactement. A cette époque de l’année la neige déposait son blanc manteau au-dessus des toits et des clochers. Ma vie allait basculer au détour de ce  petit village allemand, non loin de la frontière française, et je ne le savais pas encore ; c’était un de ces petits bourgs typiques, tranquille et serein, il respirait le plaisir de vivre, arborant fièrement ses ruelles de l’époque « Gutenberg » qui n’avaient rien à envier aux rues pavées de notre vieux Paris. Mais plus encore, la magie était au rendez vous, cette impression d’être hors du temps qui vous emporte loin de tout horizon, de toute civilisation et de tout temps.

Ce soir là, il y avait fête au village, illuminé de mille feux, comme si la féerie de l’endroit seul n’aurait pas suffit à émerveiller le cœur et l’esprit du voyageur que j'étais

 Ce petit coin, qui semblait pour moi être le paradis, ne ressemblait en rien à ce que je connaissais déjà ; et pourtant j’en avais parcouru des routes, sillonné des chemins, au travers de la France et bien au-delà de ses frontières.

 Comme si cet endroit avait été placé là sur mon chemin comme un mirage, pour devoir s’effacer aussi vite qu’il m’était apparu.

 Cette année-là je servais sous le drapeau français et j’étais basé depuis trois ans déjà dans une caserne de cette province. A l’occasion d’une permission que l’on nous avait accordée à mes amis et moi-même, nous avions décidé de nous plonger au cœur de l’inconnu en quête d’amitié, de camaraderie, même si la langue et les mœurs nous étaient totalement inconnus et pouvaient nous sembler de prime abord une barrière infranchissable.

Des amis nous avaient parlé de ces endroits à la mode où l’on pouvait boire un verre, se détendre, à la fois café et dancing, ils permettaient aux plus jeunes de se retrouver un peu loin des contraintes scolaires et familiales .

 La nuit était tombée déjà depuis un moment ; roulant au pas au hasard des ruelles, une enseigne blafarde attira notre curiosité ; nous nous sommes arrêtés ; j’ai garé ma voiture, c’était un modèle coupé sport très apprécié chez les jeunes conducteurs.

 Notre entrée fut très remarquée car nous n’avions pas pris le temps de nous changer, et à vrai dire le prestige de l’uniforme s’ajoutant à notre statut d’étranger nous ne risquions pas de passer inaperçus auprès des jeunes filles. Et c’est en  conquérants que nous avons franchi le seuil de l’établissement

 Mais en pénétrant cette enceinte voilà que je me retrouvais de nouveau en pleine confusion ; parcouru d’un long frisson dans le dos, j’avais la sensation que mon passé s’enfuyait, et paradoxalement comme un chaud au cœur, une sensation étrange, désagréable et délicieuse à la fois, aussi mystérieuse que réelle, impalpable comme si une page de ma vie venait d’être froissée, déchirée, comme si je venais de mourir un peu, ou renaître à la vie, une autre vie.

 

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